lundi 29 avril 2013

Un brin de causette...


Aller savoir pourquoi,... j’ai échoué dans une école !  
J’ai ainsi suivi un cours de mathématiques, puis un cours de français où l’on découvrait les déboires de Cosette aux mains des Thénardier *. 
Fort bien !
Désormais je puis donc lorsque quelques mioches m’alpaguent de leur sempiternel : « Donne-moi un stylo »… leur demander de reformuler en usant d’un lexique en symbiose avec leur fréquentation littéraire, et suis donc plutôt en attente d’un : « Je vous prie damoiseau, d’avoir l’amabilité de bien vouloir me remettre plume et encrier afin que chef-d’œuvre je puisse rédiger »

* Il s’agissait de formuler une description d’une illustration inspirée du roman. 




 [Maroc - Avril 2013]

dimanche 28 avril 2013

Télévision - 3 -


Aziz me dit qu’il serait bon que l’électricité arrive jusqu’à la ferme.
Immédiatement, je pense à la possibilité de réfrigérer, de s’éclairer, de communiquer,...
Puis il ajoute : « Comme ça je pourrai avoir une parabole et une énorme télévision couleur* »

* Il a pour l’heure une télé dont l’écran doit bien faire 10 cm sur 10, Noir et Blanc, dont l’alimentation a été bricolée à partir d’une batterie 12 volts (photographie)


[Maroc, Mhamid (Semaine de woofing) - Avril 2013]

Télévision - 2 -


Que je traverse le Maroc à vélo…
Qu’à mon grand âge je ne sois point marié…
Que je vienne aux portes du désert pour piocher un jardin (somme toute plutôt théorique !)

Tout ça n’a que très vaguement retenu son attention…

Par contre, que je n’ai pas de télévision, ça c’est purement inconcevable, incroyable, impensable !!! 
Mais comment puis-je vivre ainsi !

 [Maroc, Mhamid (Une semaine de Woofing) - Avril 2013]

Télévision - 1 -



La musique ou la cocotte-minute ont, selon certaines interprétations rigoristes et fatwas, été  déclarées "ḥarām"* car étant "chant du diable" ou "voie de Satan".  
Si j’étais de ceux qui décrètent, je jugerai bien plus indispensable de trouver une bribe d’écrit sacré que j’interpréterai comme un impératif de modération de l’usage télévisuel.

* ḥarām signifie en arabe : illicite ; interdit

[Maroc, Avril 2013]

samedi 27 avril 2013

Quand le rêve se prolonge bien au-delà du réveil, …



J’aime ces premières secondes où l’on se débarbouille de la nuit, subsiste un temps un léger flottement interrogatif, qui doucement se dissipe au profit de l’éveil de la conscience, et bientôt je me surprends du lieu où j’ai sommeillé. 

Le réveil a ça de l’accouchement, il nous offre l’espace de quelques secondes une infinie innocence et la surprise que le monde est ! 

S’en suit, un frottement d’œil plus tard, cette appréhension sucrée, en accédant morceaux par morceaux au projet du jour.

Et lorsque l’engourdissement se dissipe tout à fait, pointe également l’excitation de ce qui, toutes proportions gardées, sera : L’aventure ! Je mesure combien dans les faits : "je ne sais rien", car Inch’Allah, Inch’mes forces, Inch’les dénivelés ou bien plus simplement Inch’mon pneu ! Cette sempiternelle incertitude génère une douce excitation : la surprise étant assurément l’une des motivation première du voyageur. 

Alors, ... alors seulement je peux dégrafer les pans de toile de ma tente, qui en se disjoignant, dévoilent les affriolantes parures des paysages et la toilette matinale du ciel ! 

La journée commence, elle n'est tisée que d'inconnu, je m'y plonge avec ravissement...

[Maroc - Trip à vélo - Avril 2013]

Encore jamais utilisé (à ma connaissance) lors du tour de France !



Quand je sens mes dernières forces vacillées, j’ai recours à mon dopant !
Quelle illusion de croire que le sport pouvait se pratiquer sans user de ces méthodes. 

Posologie : « A plonger au creux de l’oreille durant toute la phase d’effort jugée trop ardue -  renouveler autant de fois que les symptômes se feront sentir »
Mise en garde : « dépendance probable – possible états seconds proche de la gaîté »
Effets immédiats, résultats garantis !
Cette pilule porte le doux nom de : Brassen

Une dose et voilà que :
-                    Ce sentier éreintant devient chemin de liberté. Cette vieille mule n’aurait-elle d’ailleurs pas pour prénom Ulysse ?
-                    Ces montagnes pellées dissimulent maintenant de vertes vallées où Hélène traine ses sabots crottés.
-                    Ces enfants couverts de poussières, reviennent à coup sûr d’une fructueuse chasse aux papillons. J’en suis d’autant plus assuré, qu’aucun lépidoptère n’a eu à souffrir leurs captures !
-                    Que pensez des propriétaires de ces amandiers, qui maintenant je le sais, attendent des bouches gourmandes
-                    Je rougis maintenant, imaginant mademoiselle dégrafer son corsage pour donner la …

Je m’égare…

[Maroc - Trip à vélo - Avril 2013]

mercredi 24 avril 2013

L'ouvrage le plus vaste...


Ces sentiers déroulent leurs paysages bousillés, comme autant de pages craquelées, desséchées, jaunies, étranges, d’un manuscrit dans lequel je me plonge corps et âme.

Chaque col offre une pleine page que je m’empresse de dévorer, pour ensuite reprendre calmement cette lecture, point par point.
Les virages eux, s’habillent de plus de subtilités, ils sont la ponctuation, lèvent leurs secrets avec parcimonie.
Quand je bute sur un paragraphe qui me demande de prendre de la hauteur je songe alors au suivant que je pourrai dévorer sans effort aucun.
Les chapitres sont fréquemment rédigés dans des styles fort différents, tantôt austères, ou parsemés de dialogues courts souvent explicatifs, parfois suaves ils peuvent alors être longs mais seront avalés sans peine, frais ou brulants selon les heures de lecture.
Certaines pages sont parfois rédigées dans des langues jamais rencontrées encore, il faut alors les apprivoiser et tenter de lever le secret de ce codage nouveau.

Voilà, …ces sentiers déroulent leurs paysages bousillés, comme autant de pages cornées, friables, antiques, mystérieuses, d’un manuscrit qui m’est tombé dans les mains voilà quelques années.

Cet ouvrage, je le sais immense, intarissable, prodiguant moult réponses mais plus de questions encore … Et assurément une vie ne permettra d’en appréhender que quelques modestes chapitres… 

[Maroc - Trip à vélo - Avril 2013]

mardi 23 avril 2013

Empathie et horreurs … échappons à l’apathie


Quand le degré d’horreur devient trop grand, quand ce que l’on entend dépasse l’entendement, alors involontairement, mais invariablement également, les faits glissent de la sphère du réel pour gagner le domaine de l’abstraction, … et conséquemment deviennent même caution au doute.
L’empathie se trouble …
Si les faits durent encore, l’empathie suit même un schéma de décroissance. Qui s’inquiète encore, je veux dire s’inquiète vraiment, des conditions de vie des Afghans ?
70 000 morts en Syrie dans des douleurs dépassant le concevable. On l’entend,… mais le degré d’horreur est tel, qu’il est absolument impossible de s’en approprier l’étendu. D’ailleurs s’il y en avait 125 000 les journaux en parleraient-ils plus ? Les citoyens prendraient-ils le chemin de la rue ? Les diplomates gesticuleraient-ils d’avantages ? Peu probable…
5 morts à Boston, … Le monde pense à Boston, souffre, vibre de compassion ! 
Qui souffre d’un attentat à Mossoul ? Autant annoncer une perturbation météo !

D’autre part, il y a des présomptions de culpabilité dans l’inconscient de chacun. L’opinion publique ne prêtera pas le même degré potentiel d’horreur à tous les agresseurs. Elle concevra  aisément qu’un Taliban puisse torturer des civils, par contre accepter une torture systématique à Guantanamo reste toujours caution à une forme de doute.
Nous pouvons fort bien illustrer cela en analysant CERTAINS des faits d’occupation d’Israël. Ainsi, peu ou prou n’osent croire qu’une armée puisse lâcher des chiens sur des civils non armés, que des colons tirent sur des paysans, personne ne peut croire que Tsahal vise délibérément des civils gazaouis, personne n’accorde crédit aux témoignages de prisonniers torturés.
Pourquoi ?
Car, l’agresseur jouit d’une forme immunité, comme si certains faits ne pouvaient être l’apanage de citoyens dont l’histoire est jalonnée de tant de souffrances. Dès lors l’opinion prêtera invariablement un plus haut degré d’humanité à un Israélien qu’à un Irakien.
Ainsi, nos journaux s’abstiennent pour la plupart de parler de tortures, de meurtres orchestrés par des colons, etc… car le lectorat n’est pas prêt à l’accepter et que face à de tels articles l’opinion risquerait de crier à la manipulation, à des dérives fabulatrices, au complot antisémites… ou encore plus ennuyeux commencerait à ne plus accorder crédit au  journal rapportant ces "extravagances".
A l’inverse évoquer des manifestations contre les colonies, les attentes dans les check-points, le mur de séparation, reste tout à fait du domaine de l’acceptable.  

D’ailleurs, quand plus tôt je disais l’homme habité d’une forme de foi en l’humanité, un plus ou moins haut degré d’empathie en fait, on remarque qu’elle est directement corrélée à la proximité culturelle des victimes. Ainsi 5 Américains semblent ne pas valoir 200 Pakistanais, du moins en quantité d’encre couchée dans nos journaux et flots de propos des badauds.
Là également Israël tire son épingle du jeu. Ainsi, l’un de ses citoyen victime attirera une bien plus grande compassion qu’un Palestinien sur le carreau.

Enfin dans notre appropriation de l’horreur, le temps sur lequel s’étale la violence et la fréquence des bains de sang ont une grande influence.
Les Etats-Unis, la Norvège, … ont l’immense chance de n’être que rarement victime d’attentats meurtriers, l’Irak n’a pas cette chance ! L’Irak recevra donc un traitement comptable de son horreur (X morts à tel endroit) et les Etats-Unis un traitement émotionnel (témoignages, éditoriaux, analyses, enchâssement du drame dans la vie de proches,…)
Il faut pour attirer l’émotion, plutôt rester de l’ordre de l’exception.


Echelle absolue de l’horreur, degré d’infamie potentiellement accordable à l’agresseur, proximité culturelle avec les victimes, fréquences et durée de l’inconcevable, voilà comment nous traitons les flux émotionnels qui nous parviennent (faits déjà plus ou moins édulcorés par ceux qui nous les rapportent).
C’est au regard de cette mécanique interne, qu’il faudrait pouvoir aujourd’hui reconsidérer notre empathie avec le peuple syrien, irakien, afghan, palestinien…  C’est sans nul doute déplaisant, mais c’est notre devoir, c’est indispensable…